Chloé Thomas
Chloé Thomas enseigne la littérature anglophone et la traduction à l'université d'Angers. Spécialiste de littérature américaine et en particulier de Gertrude Stein, elle a publié deux livres sur le modernisme américain. Elle a également co-édité, avec Juliette Drigny et Sandra Pellet, un ouvrage collectif sur l'écrivain américain d'expression française Louis Wolfson, auteur du Schizo et les langues. Elle a traduit Gertrude Stein (Rue d'Ulm), Mark Twain (Rivages), Virginia Woolf (Rivages) et Lyn Hejinian (Joca Seria) et Paul Scheerbart (Le Nouvel Attila).
Chez joca seria
Surtout, ne jamais donner suite : dans sa préface, Lyn Hejinian pose la contrainte formelle qui lui donne son titre, « une exigence de non-sequitur ». Un non-sequitur, cela contient la douleur de la perte, l’illogique, l’absurdité (irrésistible) de la mort : L’Insuivant est un livre de deuils, deuils personnels et deuils politiques. Paru en 2017, il trouvait alors en partie sa nécessité dans cette époque où les espoirs mis dans la lutte ont été douchés les uns après les autres. C’est un livre des années Trump ; où ce n’est plus « Hope » ou « Change » qui s’affichent dans les rues comme des slogans auxquels on veut croire mais, sur les écrans solitaires, la bouffonnerie des tweets majuscules et leur propre « récit ».
Vous qui entrez ici, sachez donc qu’il n’y aura pas de suivi. Une bonne marche devrait refuser de suivre son propre mouvement, « rien ne devait s’ensuivre ou, en tout cas, rien ne devait s’ensuivre logiquement. » « En tout cas », concède l’autrice. Ce refus radical d’avoir de la suite dans les mots et les idées vient se heurter à la conscience de sa propre vanité : on ne pourra jamais ne pas suivre, dès lors que les mots prennent place sur la page. L’Insuivant n’est pas un livre sans queue ni tête : c’est un livre qui manifeste un effort suivi, celui de résister à s’ensuivre, et qui manifeste aussi dans le même geste que cette bataille est perdue d’avance et ne vaut que d’être menée.
Vous qui entrez ici, sachez donc qu’il n’y aura pas de suivi. Une bonne marche devrait refuser de suivre son propre mouvement, « rien ne devait s’ensuivre ou, en tout cas, rien ne devait s’ensuivre logiquement. » « En tout cas », concède l’autrice. Ce refus radical d’avoir de la suite dans les mots et les idées vient se heurter à la conscience de sa propre vanité : on ne pourra jamais ne pas suivre, dès lors que les mots prennent place sur la page. L’Insuivant n’est pas un livre sans queue ni tête : c’est un livre qui manifeste un effort suivi, celui de résister à s’ensuivre, et qui manifeste aussi dans le même geste que cette bataille est perdue d’avance et ne vaut que d’être menée.